Marcher entre villages et paysages : sur les sentiers secrets du Pays de Seltz-Lauterbourg

21 octobre 2025

Une géographie de confluence : à la croisée de l’eau, des forêts et des frontières

Le Pays de Seltz-Lauterbourg déploie une géographie peu banale : collé à la frontière allemande, imbriqué entre le Rhin, les bras morts – – et d’immenses forêts alluviales. Ce maillage naturel guide depuis toujours le cheminement entre les villages, dessinant une mosaïque de paysages :

  • Zones humides du delta de la Sauer : véritables réserves ornithologiques
  • Forêts rhénanes marécageuses, royaume de l’aulne et du saule
  • Prairies alluviales, dont la biodiversité n’a rien à envier à certains parcs nationaux
  • Villages à colombages, hortillonnages et vergers ceinturés de haies

Le club vosgien balise soigneusement ce territoire, dans lequel les sentiers se font autant voies de promenade que lignes de vie villageoises (voir ClubVosgien67.fr).

Reliés par la marche : les itinéraires à parcourir absolument

Rien ne crée plus de liens qu’un chemin : chaque itinéraire a sa tonalité. Voici quelques suggestions de sentiers particulièrement emblématiques, testés et appréciés pour leur atmosphère unique et leur capacité à révéler ce coin d’Alsace du Nord.

1. De Seltz à Munchhausen via les réserves naturelles

  • Distance : Environ 12 km aller-retour
  • Temps : 3h30 (marche tranquille, hors pauses d’observation)
  • Balises : Ronds rouges du Club Vosgien, puis balisage « Ried » spécifique

Ce parcours suit d’abord l’ancien bras du Rhin, avec de longues trouées sur la plaine, traversant notamment la Réserve Naturelle du Delta de la Sauer. Ici, silence, nombril de l’Europe, 200 espèces d’oiseaux recensées (source : Réserve naturelle Delta de la Sauer), hérons cendrés, cigognes, canards plongeurs, guettent le promeneur. De larges passerelles de bois serpentent sur l’eau, offrant une vue imprenable sur les roselières. On croise régulièrement des naturalistes installés avec leurs longues-vues – avis aux curieux, la réserve accueille le balbuzard pêcheur chaque printemps.

Fin du chemin à Munchhausen, village discret bordé par le Rhin : l’auberge du Rhin ou la terrasse intime du petit port invitent à faire une halte. Quelques habitants disent encore spontanément bonjour – l’accueil ici, c’est autrement qu’ailleurs.

2. De Lauterbourg à Mothern : forêts, frontière et histoire

  • Distance : 11 km (aller simple)
  • Temps : 3h
  • Balises : Rectangle jaune (sentier frontalier), puis anneau vert

Sorti du centre pittoresque de Lauterbourg – dernier bastion alsacien avant l’Allemagne, connu pour son hôtel de ville à arcades du XVIII siècle –, le sentier s’enfonce dans la forêt domaniale. Sur le chemin, d’anciens bunkers de la ligne Maginot surveillent encore la frontière invisible, vestiges étonnants d’une Histoire qui a longtemps tressé vigilance et inquiétude sur ces terres.

Le sentier gagne ensuite la voie verte de Mothern, traversant des clairières où coassent les grenouilles rousses au printemps, et longe de vieilles peupleraies que l’on exploitait autrefois pour les sabotiers locaux (source : Archives départementales du Bas-Rhin). Arrivé à Mothern, la petite église Saint-Martin récompense la balade par ses fresques naïves et son étonnante statue de Saint-Nicolas…

  • Astuce locale : Interrogez les habitants sur les mystérieux « gros chênes à vœux » qui jalonnent encore le ban communal – certains affirment qu’ils exaucent les plus patients !

3. La boucle du Petit Ried : hors du temps entre villages et prés inondés

  • Distance : 16 km, boucle
  • Temps : 4h30 pour les marcheurs contemplatifs
  • Balises : Triangle bleu, puis retour par cercle rouge

Départ à Neewiller-près-Lauterbourg, adorable village où la vigne chasse le gris des hivers. Cette boucle plonge vite dans le silence du « Petit Ried », territoire amphibie où l’on rejoint les prés d’inondation de la Sauer. Les amoureux de flore se réjouiront : iris des marais, fritillaires pintades et la rare gentiane pneumonanthe font le bonheur des botanistes (source : Conservatoire Botanique d’Alsace).

Arrêt recommandé au « Pont du Diable », un ouvrage d’apparence ordinaire mais qui, selon la légende, fut bâti en une nuit… grâce à un certain pacte avec l’Obscur, que chaque écolier du village connaît par cœur. Sensations garanties, surtout si le brouillard tombe sans prévenir !

Les petits « plus » des villages en chemin

Entre Seltz, Lauterbourg et leurs voisins, chaque halte révèle un détail qui fait le caractère :

  • Seltz dispose d’un musée insolite consacré à la batellerie et accueille chaque juin la Fête du Rhin, brassant population locale et visiteurs frontaliers (Source : Ville de Seltz).
  • Lauterbourg est célèbre pour sa place du marché triangulaire, sa synagogue classée (l’une des plus anciennes d’Alsace, édifiée au XVIII siècle), et ses maisons colorées dont certaines portent encore les enseignes sculptées des anciens artisans.
  • Mothern conserve bon nombre de fontaines et lavoirs aujourd’hui fleuris, témoins d’un mode de vie disparu mais célébré lors de la journée des « puits en fête » chaque été.
  • Munchhausen cultive les secrets du fleuve et un art de la fête très particulier autour de la pêche : demander le programme au Café de la Marine, où les anciens racontent parfois comment un poisson géant aurait hanté les tourbières jusqu’en 1920…

Une immersion sensorielle : ce que l’on ressent vraiment sur ces sentiers

Marcher de village en village, ce n’est pas qu’observer. C’est – surtout – vivre une expérience. Certains matins, une brume tisse un linceul sur les prés, nimbant les silhouettes des villages dans une lumière laiteuse. L’odeur lourde de l’aulne se mêle à la menthe sauvage. En été, le chant des pouillots fitis et la stridulation des grillons ponctuent la route, tandis qu’à l’automne, les reflets dorés sur la Sauer rivalisent avec n’importe quel coucher de soleil rhénan.

Sur les tronçons longeant la frontière, on croise parfois un randonneur allemand qui traverse pour… acheter du pain à Mothern ou prendre un café à Lauterbourg. Entre les habitants, la frontière est partout mais surtout invisible, tissée d’habitudes partagées, d’intimités d’un pas à l’autre.

  • Pauses immanquables : ancienne tuilerie de Mothern (la « brique rouge » locale), aire de pique-nique de la Plage de Lauterbourg (source : Office de tourisme Seltz-Lauterbourg), et l’observatoire ornithologique de Munchhausen, fabuleux point d’écoute pour les migrations printanières.

Quelques recommandations pour cheminer malin

  • Bien observer les balisages du Club Vosgien : les sentiers peuvent gêner quelquefois avec les pistes cyclables. La carte IGN 3915 OT « Wissembourg – Lauterbourg » est particulièrement recommandée (IGN.fr).
  • Privilégier les périodes : avril-juin (floraison, oiseaux nicheurs) et septembre-octobre (lumières dorées, brame du cerf parfois audible du côté des forêts de Seltz).
  • Respecter les zones de quiétude animalière, notamment dans la réserve de la Sauer (infos sur la réglementation via le site de la réserve, liens ci-dessus).
  • À ne pas sous-estimer : certains chemins peuvent être inondés lors de la crue printanière du Rhin ou de ses affluents (jusqu’à 2 à 3 semaines de flottaison sur certains tronçons, selon le Service Vigicrues).

Ouvrir la marche, ouvrir les regards : la beauté discrète d’un pays cheminé

Dans ce coin d’Alsace du Nord, les vrais voyages se font à la force des mollets et au rythme du pas. Ces sentiers relient bien davantage que des villages ou des paysages : ils relient des mémoires, des légendes et mille détails du quotidien. Chaque marcheur participe à la transmission de ces histoires tues, et, à chaque détour, engrange un peu plus du secret simple de ce pays : ici, marcher relie autant les hommes que les lieux.

À ceux qui prendront la peine de s’aventurer sur ces itinéraires, un conseil en forme de clin d’œil donné par un certain Joseph, cueilleur d’ail sauvage croisé du côté de Munchhausen : « Ici, chaque sentier garde une histoire. Il suffit de s’arrêter de parler… et d’écouter ! »

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