Des sentiers battus par les ailes : Parcours ornithologiques autour du Rhin et de la Sauer

18 octobre 2025

Un écrin d’eau et de nature : immersion dans les zones humides du Nord-Alsace

Il suffit parfois d’une aube brumeuse sur la Sauer ou d’un rayon de soleil filtrant à travers les roseaux pour que l’on perçoive l’incroyable vitalité qui anime la plaine alluviale du Rhin. Ce territoire, classé zone humide d’importance internationale par la Convention de Ramsar, foisonne d’oiseaux migrateurs, nicheurs et hivernants. Entre plans d’eaux, bras morts et forêts riveraines, la frontière mouvante entre terre et eau forme un corridor écologique majeur. Ici, bien loin de simples promenades, chaque pas peut devenir une invitation à la découverte ornithologique.

Mais quels sentiers privilégier pour s’immerger au cœur de cette biodiversité, observer hérons pourprés, balbuzards pêcheurs ou encore grèbes huppés dans leur milieu ? Voici un guide expert et vivant, riche en conseils, anecdotes du terrain et recommandations cartographiées pour explorer ces sites d’exception.

Pourquoi la vallée du Rhin et la réserve de la Sauer sont-elles si riches en oiseaux ?

La jonction Rhin-Sauer, entre Seltz, Altenstadt, Munchhausen, Mothern et Lauterbourg, constitue la partie alsacienne d’une zone naturelle parmi les plus remarquables d’Europe (source : Ramsar). Plus de 250 espèces d’oiseaux y ont été recensées annuellement. Pourquoi ? Parce que la mosaïque de milieux – forêts humides, prairies inondables, roselières, gravières, anciens bras du Rhin – offre gîte et couvert à des besoins variés, sur le parcours de grandes routes migratoires ou pour la nidification.

  • Espèces emblématiques : Cigogne blanche (dernier bastion régional avant son retour en force), balbuzard pêcheur (revenu après plus de 100 ans d’absence), guifette moustac, râle d’eau, faucon hobereau – et même, à la bonne saison, le très rare pygargue à queue blanche.
  • Phénomènes naturels marquants : La migration prénuptiale (mars-avril) et postnuptiale (août-octobre), où le Rhin devient un « autoroute » à oiseaux.
  • Associations locales impliquées : La Maison de la Nature de Munchhausen, la Réserve Naturelle Nationale de la Sauer, la LPO Alsace (source : LPO Grand Est).

Selon une étude récente, près de 80 % de la population d’aigrettes garzettes d’Alsace hiverne désormais dans le secteur Seltz-Lauterbourg (données : Base de données naturalistes LPO Grand Est, 2023).

Où randonner et observer les oiseaux ? Parcours thématiques incontournables

La Réserve Naturelle Nationale de la Sauer : sentiers de Munchhausen

  • Départ : Maison de la Nature de Munchhausen, 42 rue du Rhin.
  • Parcours conseillé : Le sentier des observatoires (6,5 km, balisé anneau bleu) serpente entre bois humides, prairies inondables et plans d’eau aménagés. Plusieurs observatoires jalonnent la boucle, notamment à l’étang dit « Bachgraben », idéal pour les hérons, le râle d’eau, les passereaux d’eau (locustelle luscinioïde, rousserolles...).
  • Pour les familles : « Sentier des p’tits explorateurs », plus court et ludique, ponctué de bornes explicatives sur les oiseaux locaux.

Un habitant passionné, Bernard S., croisé lors d’une sortie hivernale, confiait : « C’est ici que, chaque matin de printemps, je viens écouter le chant du loriot d’Europe. On le repère sans le voir, perché tout en haut des peupliers nacrés, comme une note d’or dans la lumière. »

Le Petit Rhin et la gravière de Mothern : immersion entre milieux ouverts et roselières

  • Accès: Parking du Ried, à Mothern (au niveau du terrain de sport). Le sentier balisé (anneau rouge) longe les zones humides issues des anciennes exploitations de gravière.
  • Points d’intérêt: Deux plateformes d’observation sur pilotis surplombent les plans d’eau majeurs. Au printemps, on y guette sternes pierregarins, guifettes et martins-pêcheurs en pleine pêche. Les anciennes friches de bordure attirent bruant des roseaux, fauvettes paludicoles, et parfois même le butor étoilé.
  • Conseil utile : Se munir de jumelles (grossissement x10 idéal) et, pour les photographes, d’un téléobjectif (300 mm minimum). Les brumes du matin offrent souvent de magnifiques scènes.

Au détour du sentier, ne soyez pas surpris par la silhouette furtive d’une belette ou par le vol discret d’un blongios nain. Ici, chaque silence est trompeur.

De Seltz à Lauterbourg : le chemin du Rhin sauvage

  • Itinéraire : Depuis le Port de Seltz, longer la rive gauche du Rhin, direction Lauterbourg (environ 13 km, aller simple). Possibilité de revenir par le train (TER Strasbourg-Wissembourg, arrêt Lauterbourg).
  • Particularités : Vieux méandres, îlots boisés et digues offrent postes d’observation variés, jusqu’à la confluence où la Sauer rejoint le Rhin.
  • Espèces repérées fréquemment: Oies cendrées, cormorans, balbuzards (printemps-été) et, à l’automne, spectaculaires rassemblements de limicoles (vanneaux, bécasseaux...).

Conseils pratiques pour réussir sa balade ornithologique

  • Périodes à privilégier :
    • Mi-mars à mai : migration prénuptiale, chants de parade, maximum d’espèces visibles et audibles.
    • Août à début octobre : migration postnuptiale, diversité accrue, nombreux juvéniles.
    • Hiver : présence de groupes remarquables de tadornes, harles, canards plongeurs, hérons & aigrettes (surtout après les crues du Rhin).
  • Respect de la faune : Restez strictement sur les chemins balisés. Certains secteurs sont fermés en période de nidification (panneaux sur place).
  • Préférez des vêtements neutres et discrets, évitez les cris et musiques.
  • Privilégiez les premières heures de la matinée ou la fin d’après-midi.
  • Munissez-vous d’un guide d’identification (version LPO ou Collins, format poche).

Anecdote locale : lors d’une sortie scolaire organisée par la Maison de la Nature, les élèves de la classe de CM1 d’Altenstadt ont eu la chance d’observer une colonie de cistudes d’Europe… et un martin pêcheur venu leur « faire une démonstration » de plongeon. L’émerveillement était tel que l’un d’eux écrira plus tard : « Ici, la nature fait toujours spectacle, même quand on croit qu’il ne se passe rien. »

Des initiatives locales et des supports pour aller plus loin

  • Les sorties guidées et stages d’initiation: Chaque printemps et automne, la Réserve de la Sauer, la LPO Alsace et la Maison de la Nature de Munchhausen organisent des sorties gratuites (ou à petit prix) ouvertes à tous, encadrées par des naturalistes passionnés (programme sur Maison Nature Munchhausen).
  • Cartes & brochures: Disponibles dans les offices de tourisme de Seltz et Lauterbourg, et en version PDF sur le site du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord (Parc Vosges du Nord).
  • Audio-guides nature: Une application de découverte des chants d’oiseaux du Rhin Nord est en cours de développement : restez attentifs aux actus locales !

Grille de repérage des parcours : quels sites selon votre niveau et vos envies ?

Sentier / Site Distance Difficulté Intérêt ornithologique Accès PMR
Sentier des observatoires (Munchhausen) 6,5 km Facile Espèces d’eau, passereaux, hérons Oui (partiel)
Gravière de Mothern 3,8 km Très facile Rousserolles, sternes, butor Oui (passerelles)
Chemin du Rhin (Seltz-Lauterbourg) 13 km (aller), 26 km (AR) Moyen Grands migrateurs, limicoles Non

Sortir des sentiers battus : le témoignage d’un habitant passionné

« Ici, il ne s’agit pas seulement de voir des oiseaux, mais de sentir battre le cœur d’une nature libre, où la frontière n’existe plus – ni entre les pays, ni entre les espèces. Certaines années, explique Lucie, naturaliste installée à Seltz, on a vu la cigogne noire survoler la Sauer, indifférente à la frontière. On a aussi assisté, les jumelles brouillées de larmes, à la première reproduction du balbuzard pêcheur après plus d’un siècle. Nos paysages gardent leur âme sauvage. Il suffit de prendre le temps, d’avoir l’œil… et surtout l’oreille. »

Oser la découverte : un territoire à explorer toute l’année

La vallée du Rhin supérieur, entre Sauer et Lauterbourg, s’inscrit dans un réseau écologique plus vaste, relié aux migrateurs venus d’Afrique, de Russie ou d’Islande. Les oiseaux ne connaissant guère de frontières, ils invitent le randonneur à enjamber les siennes, le temps d’une balade ou d’une attente patiente derrière une haie de roseaux. Qu’il s’agisse de retrouver le cri rauque du butor, la silhouette élégante du balbuzard ou simplement la magie d’un envol de grues cendrées, le Rhin du Nord-Alsace offre bien plus qu’un prétexte à marcher. Il dévoile un territoire que l’on ne fait qu’effleurer… mais qui, chaque saison, nous émerveille comme au premier regard.

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