Explorer le Pays de Seltz-Lauterbourg autrement : vivez les parcours sensoriels grandeur nature

Un parcours sensoriel va bien au-delà de la simple balade en forêt. Il invite à éveiller – presque méthodiquement – la vue, l’ouïe, le toucher, l’odorat et parfois même le goût. Au Pays de Seltz-Lauterbourg, cela prend des allures authentiques, souvent hors des schémas tout prêts. Oubliez les panneaux « selfiestiques » et la suranimation, ici chaque sens est convoqué par le vivant, la géologie, le vent et la main patiente de l’homme ou du temps.

Unique en Alsace du Nord, le sentier pieds nus de Mothern fait figure d’incontournable pour qui cherche à renouer avec l’enfance ou, simplement, à marcher autrement. Créé par des bénévoles du village avec des matériaux naturels glanés alentour, il propose une expérience aussi simple qu’inoubliable : marcher sans chaussures, directement en contact avec la nature.

• Longueur : environ 1 km, idéal pour une découverte en famille ou entre amis.
• Étapes : sable, galets de la Sauer, copeaux de bois, pommes de pin, argile... Un parcours tactile varié, conçu pour stimuler la plante des pieds.
• Plus-value locale : chaque étape valorise les matériaux du terroir, récupérés localement.
• Informations pratiques : accès libre, ouvert d’avril à octobre. Petit espace de rinçage au bout du chemin (Source : Office de Tourisme du Pays de Seltz-Lauterbourg).

Le témoignage de Lucien, retraité passionné de Mothern : « C’est fou comme on redécouvre les textures. Les enfants s’amusent, mais j’en connais beaucoup qui n’avaient pas marché pieds nus dehors depuis 40 ans ! »

Le nord du Bas-Rhin, c’est 50 km de berges entre prairies humides, forêts-galeries et petits pontons que traverse le murmure de l’eau (Chiffre : Réserve Naturelle de la Sauer Delta, source : Conservatoire d’espaces naturels Alsace). Ici, la promenade se vit à l’oreille.

• L’aube : spectacle sonore assuré, avec un pic d’activité des oiseaux nicheurs (plus de 130 espèces recensées dont le Loriot, le Pic noir et la discrète Rousserole turdoïde d’après LPO Alsace).
• Moment rare : en mai ou juin, marchez tôt, entre Seltz et Munchhausen : le bal des grenouilles accompagne le réveil des roseaux.

Un conseil d’habitant : arrêtez-vous sur le ponton de Munchhausen au crépuscule : le chant du butor étoilé, star discrète des marais alsaciens, y résonne parfois. Noté dans les relevés ornithologiques locaux, mais jamais garanti ; voilà le vrai goût de la chance sauvage !

À la Maison de la Nature de Seltz, des bénévoles ont façonné un « jardin des sens » qui ne paye pas de mine mais qui recèle plus de 80 variétés de plantes aromatiques et médicinales du Ried rhénan et du Palatinat voisin (Source : Maison de la Nature de Seltz, brochure 2023). Ici, l’odorat mène la danse, avant que le goût ne lui emboîte le pas à l’occasion d’un atelier sauvage.

• À expérimenter : sentir et toucher la menthe aquatique, la tanaisie, la livèche… Apprendre les secrets d’usage transmis par les anciens du village (anecdote : la livèche, autrefois appelée « herbe à Maggi », servait de secret aux bouillons familiaux – source : mémoires orales recueillies lors d’ateliers).
• Rendez-vous phare : la visite-atelier « Découvrir les saveurs des bords du Rhin » permet de reconnaître, goûter et préparer quelques plantes locales à l’ancienne, de mai à octobre.

Certes, le Bienwald, à cheval sur la frontière franco-allemande, n’est pas réservé au territoire du Pays de Seltz-Lauterbourg. Mais sa frange orientale, entre Lauterbourg et Scheibenhard, propose un jeu permanent de lumières, d’ombres et de perspectives où l’œil s’éduque et se régale.

• Forêt mosaïque : pins sylvestres, hêtres et blaireaux côtoient d’anciennes bornes frontières ensorcelées de mousses.
• Coup d’œil naturel à ne pas manquer : à la sortie du sentier de Scheibenhard, au lever du soleil, les brumes du Rhin transforment le paysage en tableau vivant, digne d’un Caspar David Friedrich (cet effet n’est visible qu’en automne ou au printemps, selon les relevés photographiques locaux).

Le Baggersee, littéralement « lac d’extraction », est aujourd’hui encore mal identifié hors des connaisseurs locaux. Il s’agit pourtant d’un recoin précieux, issu d’une ancienne gravière envahie par la vie sauvage et ouverte à la balade contemplative ou à l’exploration attentive.

• Écouter le spectacle : fauvette babillarde, passage furtif du martin-pêcheur, cris des foulques quand le vent du soir emporte les parfums de glycine sauvage.
• Sentier pédestre balisé : petite boucle de 2 km en sous-bois puis sur les berges, ponctuée de points d’observation ornithologiques.
• Gestion écologique : des panneaux expliquent la gestion des habitats aquatiques, les enjeux liés à la préservation du patrimoine humide (données du Syndicat Mixte pour la Gestion des Baggerseen du Pays Rhénan, 2022).

Afin de compléter les dispositifs officiels, quelques initiatives citoyennes méritent d’être saluées. Parmi elles, le « chemin des sons et des odeurs » de Neewiller-près-Lauterbourg, inventé par un groupe de parents au fil des besoins d’éveil des petits (source : association locale Les P’tites Racines).

• Balises non standard : suspension de pots à herbes aromatiques, clochettes au vent fabriquées par les enfants, coins « caresses d’écorce » marqués d’une empreinte de main.
• Philosophie : marcher lentement, à l’écoute de l’air et prêt à s’asseoir pour s’imprégner du paysage changeant.

Cette démarche rappelle que la richesse du sensoriel ne se limite pas à l’extraordinaire. Comme aime à le rappeler Marguerite, vétérane des randonnées de la Sauer : « Le pays de Seltz-Lauterbourg, c’est aussi apprendre à humer l’odeur du foin, distinguer le chant du bruant zizi, ou laisser la brise des grandes plaines caresser sa joue. Aucun panneau, aucun QR code, juste l’instant. »

Nombre de familles du Pays de Seltz-Lauterbourg réinventent chaque week-end leur chemin des sens, à l’aide de quelques astuces simples :

• La boîte à trésors : emporter une petite boîte pour collecter (et ensuite relâcher) une plume de cigogne, un galet veiné, une cosse d’acacia.
• Le jeu du silence : s’arrêter toutes les 10 minutes pour deviner trois bruits différents (grillon, tracteur, bourdon, clapotis...)
• Mini-herbier : coller un brin de menthe aquatique sur une feuille pour identifier ses différences avec la menthe poivrée du jardin.

Des brochures, comme celles éditées par la Maison de la Nature ou le Parc Naturel des Vosges du Nord, proposent souvent des idées pour aiguiller l’imaginaire des plus petits, sans empiéter sur la magie de la découverte personnelle.

Imaginer que la nature du Pays de Seltz-Lauterbourg se résume à une carte de pistes, ce serait méconnaître l’extraordinaire potentiel d’immersion sensorielle de la région. Des années durant, ce territoire a su préserver des espaces faiblement aménagés, où chaque saison renouvelle la palette des expériences sensorielles. Plus de 13 000 hectares de zones humides et de forêts assurent le maintien des sonorités naturelles (source : Agence de l’Eau Rhin-Meuse).

Dans ce coin frontalier d’Alsace, les parcours sensoriels ne portent pas toujours de nom, mais ils sont partout, à condition d’ouvrir l’œil et l’oreille, de tendre la main, de marcher pieds nus ou de partager une tisane sauvage autour d’une table de village. Petits ou grands, novices ou amoureux du pays, chacun peut y puiser son lot d’émerveillements, sincères et discrets, au rythme de la nature d’ici.