À la découverte des parcours botaniques secrets et révélés du Pays de Seltz-Lauterbourg

Rarement la diversité végétale n’aura été aussi foisonnante qu’aux abords des villages de Seltz, Lauterbourg, Mothern ou Neewiller-près-Lauterbourg. Selon l’Observatoire de la Biodiversité de la Région Grand Est, on compte dans le territoire plus de 900 espèces végétales recensées, dont plusieurs espèces patrimoniales et protégées (Source : OT Pays de Seltz-Lauterbourg). Cette variété s’explique notamment par la richesse des milieux :

• Forêts alluviales : havres pour les frênes, aulnes glutineux, peupliers noirs et saules têtards ;
• Ried du delta de la Sauer : prairies humides à orchidées, joncs, cucubales, et appétissantes grandes carottes sauvages ;
• Prés salés de la Lauter : un rare joyau où s’épanouissent la salicorne, la soude maritime mais aussi la fétuque et la renouée maritime.

Le contraste entre ces milieux, sur un territoire à l’échelle humaine (moins de 200 km²), crée une authenticité botanique captivante que l’on ne soupçonne pas toujours au premier regard.

1. Le sentier Nature de Seltz – immersion guidée au cœur du Ried

À la sortie nord du village de Seltz débute un des itinéraires les plus représentatifs de la diversité botanique locale : le sentier Nature, long de 3,6 km et balisé par 20 panneaux explicatifs. Conçu par des naturalistes bénévoles en collaboration avec la commune, il dévoile un patrimoine vivant :

• Au fil de la Sauer : on longe des forêts riveraines où l’on scrute la fougère des marais, la reine des prés et la scutellaire.
• Dans les prairies humides : lorsque le printemps arrive, c’est une explosion d’orchidées sauvages : orchis tacheté, orchis incarnat, et même la discrète orchis bouc.
• Observation des arbres centenaires : majestueux chênes pédonculés, charmes et peupliers noirs constituent une cathédrale naturelle.

Anecdote locale : Le sentier réunit chaque année, lors de la Fête de la Nature, enseignants, familles et passionnés. En 2023, une classe du collège de Seltz a recensé, sur moins d’1 km, 74 espèces végétales différentes lors d’une « flash inventaire » menée en une matinée.

Conseil pratique : Le circuit peut se parcourir librement toute l’année, mais l’expérience est décuplée au printemps (floraisons) et en été (abondance de la faune associée).

2. L’île de Rhinau et les forêts alluviales : dépaysement garanti

Moins connue que les promenades du Ried, la petite île de Rhinau (frontière naturelle entre France et Allemagne) offre un spectacle botanique particulier, presque « exotique ». L’île est d’ailleurs classée réserve naturelle transfrontalière, avec pas moins de 550 espèces végétales identifiées (Source : Réserve naturelle de l’île de Rhinau), parmi lesquelles :

• Grandes colonies de fougère aigle,
• Saules blancs,
• Bois de cerisiers sauvages et prunelliers,
• Sous-bois moussus tapissés d’anémones sylvie (en avril).

Sur les rives, il n’est pas rare de croiser des spécialistes jumelles en main, à la recherche du rare cypripède calceolus (sabot de Vénus), qui pointe parfois sa fleur jaune unique à la fin mai.

Le mot d’un passionné : Christian, botaniste amateur, raconte : « L’île est particulière ici car le fleuve apporte chaque année son lot de graines et de nouvelles plantes. Certaines années, une dizaine d’espèces ‘invitées’ s’installent, puis repartent ou se font rares. Un ‘laboratoire vivant’ ! »

3. Le sentier des prairies salées de Lauterbourg – rareté botanique en France continentale

C’est un petit bijou ignoré du grand public : la zone des prés salés de Lauterbourg (classée Natura 2000) abrite une flore exceptionnelle liée à la présence d’anciens dépôts salins et à l’influence de la mer Vosgienne disparue depuis des millions d’années. Sur moins d’un hectare, on observe une densité de plantes halophiles unique en Alsace :

• Salicornes (petits « cornichons de mer ») ;
• Puccinellies ;
• Fétuque rouge ;
• Renouée maritime ;
• Petites brassicacées cousines du chou marin.

Des panneaux explicatifs détaillent les adaptations étonnantes de ces plantes à la salinité : feuilles épaisses, poils protecteurs, stockage de sel dans les cellules. Il s’agit d’une curiosité écologique rarissime, seule équivalente à quelques autres sites du nord-est de la France, selon le Conservatoire Botanique d’Alsace (CBN-Alsace).

• Orchidée pyramidale : visible entre mai et juillet, reconnaissable à sa floraison rose vif en épi compact.
• Sabot de Vénus : protégé, sa présence signale une forêt ancienne à haute naturalité.
• Grande berce du Caucase : spectaculaire mais à observer de loin (peut causer des brûlures cutanées).
• Ronce bleue : offre à l’automne un fruit atypique et sucré, prisé localement pour les confitures.
• Menthe aquatique : repérable à son parfum mentholé le long des fossés.

En tendant l’oreille, on surprend parfois le râle des genêts, oiseau emblématique des prairies, témoin d’un écosystème sain et varié.

Dans le Pays de Seltz-Lauterbourg, plusieurs associations et passionnés proposent chaque année des animations :

• Sorties botaniques commentées avec le Groupe d’Étude des Milieux Naturels d’Alsace du Nord (GEMMA), tout spécialement organisées durant la période de floraison (avril-juin).
• Balades sensorielles pour enfants : identification à l’aveugle des plantes par le toucher et l’odorat.
• Initiation à la vannerie sauvage, utilisant les jeunes pousses de saules et de cornouillers récoltées en lisière de sentier.

L’astuce d’un habitant, Monique, habitante de Mothern : « J’emmène toujours un petit carnet et un crayon. On y note ensemble les plantes que l’on rencontre avec mes petits-enfants, on les dessine, parfois on compare avec un vieux guide botanique hérité de mon père. Les enfants adorent ça, et je leur transmets le nom alsacien, le nom français, et parfois l’utilité en cuisine ou en remède ! »

• Rester sur les sentiers balisés pour ne pas piétiner des zones fragiles et préserver la flore rare.
• Ne jamais cueillir d’orchidées ni d’espèces protégées : la réglementation française interdit la cueillette ou l’arrachage sur ces sites Natura 2000.
• Photographier, dessiner, noter… mais laisser les fleurs et plantes en place pour les générations futures.
• Pensez à vous munir de jumelles pour observer sans déranger, et d’un guide botanique (papier ou application).

Plus de 60% des espèces de prairies du Ried alsacien ont connu un déclin depuis les années 1970, principalement à cause du recul des pratiques d’entretien traditionnel et de la pollution de l’eau (Agence de l’Eau Rhin-Meuse). Chaque geste compte pour inverser la tendance.

• Guide « Flore et patrimoine du Pays de Seltz-Lauterbourg » : édité en collaboration avec le Parc Rhénan, disponible en Office de Tourisme
• Ateliers du Printemps du Ried, chaque année en mai-juin : herbiers, dégustation de plantes comestibles, conférence naturaliste
• Portail en ligne « CartoFlora » pour signaler les découvertes et consulter la répartition des espèces récentes : https://cartoflore.atlas-biodiversite.fr/

Arpenter les sentiers du Pays de Seltz-Lauterbourg, c’est s’offrir un inventaire vivant de la flore d’Alsace du Nord, mais aussi renouer avec la tradition de transmission. De la grand-mère qui indique les herbes médicinales au naturaliste qui partage son carnet d’observations, le territoire vibre au rythme de ses plantes : discrètes ou exubérantes, elles racontent, tout simplement, une autre histoire de la région.

S’aventurer sur les parcours botaniques, c’est s’émerveiller du formidable laboratoire vivant, entre Ried, forêts et marais, entre raretés et espèces du quotidien. Qui sait, une feuille, une senteur ou une anecdote pourrait bien inspirer vos prochaines sorties… et rythmer vos prochaines balades uniques au Pays de Seltz-Lauterbourg.